Le choix des premières ZSP (Zones de sécurité prioritaires) est « pertinent », affirme Abdelhak Kachouri, vice-président (PS) de la région Île-de-France en charge de la politique de la ville, de la citoyenneté et de la sécurité, dans un entretien à AEF Sécurité globale.
La région n'a pas participé à la sélection. « Lors de notre réunion de travail avec le ministre de l'Intérieur, nous ferons savoir que nous sommes disposés à discuter sur le choix des futurs ZSP et sur d'autres sujets brûlants », ajoute-t-il. « À ce stade, la région n'a pas de place spécifique dans le dispositif. Mais, le partenariat qu'elle a mis en œuvre depuis 1999 avec l'Etat sur les problématiques de sécurité et de justice font d'elle un partenaire francilien essentiel. »
« Dès le lancement officiel, mi-septembre, il y aura une structuration autour des élus locaux, du préfet et de la région », poursuit Abdelhak Kachouri, également adjoint au maire de Saint-Ouen, qui fait partie de la première vague de ZSP.
« D'autres vont suivre. En effet, dès septembre, il est prévu par le ministère de l'Intérieur de porter le nombre de ZSP à quarante voire cinquante. »
AEF Sécurité globale : Cinq des quinze premières zones de sécurité prioritaires (AEF Sécurité globale n°6533) sont implantées en Ile-de-France, dans des quartiers de Paris, ainsi qu'à Saint-Ouen, Saint-Denis, Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville et Corbeil-Essonnes. Avez-vous été associé à ce choix et le jugez vous pertinent ?
Abdelhak Kachouri : Je ne peux que rappeler la situation alarmante de certains territoires. Il était urgent d'agir pour lutter efficacement sur des zones qui méritent toute l'attention de l'État. De nombreuses études existent déjà et ce dispositif s'apparente au concept du « Hot spot », expériences déjà menées aux États-Unis et au Canada qui ont fait leurs preuves. Voilà pourquoi, il n'a pas été utile pour le ministre de l'Intérieur de lancer une énième concertation avant le lancement de ce nouveau dispositif.
Force est de constater que le choix est pertinent. Ces quinze ZSP choisies répondent aux différents critères fixés par le ministre aux préfets, tels que la lutte contre l'économie souterraine, le trafic de stupéfiants et d'armes, la lutte contre les violences faites aux personnes et contre l'explosion des cambriolages, sans oublier les nuisances de voie publique et autres incivilités.
Pour ne prendre que l'exemple de la ville de Saint-Ouen, dont je suis également maire adjoint chargé de la sécurité, il n'était pas utile de perdre davantage de temps. Manuel Valls a répondu à une attente, celle de remettre des forces de police sur le terrain, en mettant en place une action de sécurité renforcée sur des territoires sensibles.
Enfin, soulignons que ces quinze zones arrêtées ne sont que les premières. D'autres vont suivre. En effet, dès septembre, il est prévu par le ministère de l'Intérieur de porter le nombre de ZSP à quarante voire cinquante.
AEF Sécurité globale : Concrètement, comment vont se mettre en place les zones de sécurité prioritaires ?
Abdelhak Kachouri : Tout d'abord, je me réjouis des nouvelles modalités de gouvernance qui viennent répondre aux lacunes des CLSPD, jugés trop théoriques sans capacité d'actions pragmatiques. Cette nouvelle organisation sera composée de deux structures de coordination opérationnelle (AEF Sécurité globale n°6808). L'une concerne les forces de l'ordre -réunion a minima mensuelle- avec un éventuel co-pilotage du procureur qui définira les objectifs et déploiera les moyens.
La seconde mettra en œuvre le partenariat local sur la conduite des actions de prévention. Elle pourra notamment piloter les moyens complémentaires comme les polices municipales. Les dispositions seront adaptées de manière pragmatique, à partir de critères qualitatifs et quantitatifs.
Ainsi, dès le lancement officiel, mi-septembre, il y aura une structuration autour des élus locaux, du préfet et de la région.
Ce nouveau mode de gouvernance permettra de fluidifier la communication entre les différents partenaires et de reconstruire, ainsi, un partenariat avec les collectivités locales à partir d'un diagnostic partagé. Les ZSP sont pensées pour que chacun comprenne sa mission et puisse se coordonner avec les autres acteurs partenaires.
C'est le sens de la circulaire transmise au préfet et du courrier que Manuel Valls adressera aux élus locaux bénéficiaires de ZSP.
Nous sortons de dix ans de choix qui n'ont pas forcément été travaillés avec les élus locaux. Outre le fait que ces ZSP permettront un renforcement des moyens en terme de fonctionnaires de police, avec une présence régulière, voire statique sur certaines zones où le trafic est ancré, elles permettront aussi de mieux penser en amont les actions de prévention et de médiation.
Cette approche globale est nécessaire, elle devra aussi être en interface avec les nouvelles mesures éducatives voire de développement économique.
AEF Sécurité globale : Les ZSP ne risquent-elles pas de déplacer la délinquance à d'autres territoires proches ?
Abdelhak Kachouri : Les ZSP sont mises en place avec l'idée d'anticiper cet « effet plumeau ». En effet, quand on met des fonctionnaires en situation de présence permanente, il y a le risque que les trafics se déplacent. Pour éviter ce phénomène, le dispositif permet de répondre à cette problématique au travers notamment de la nouvelle gouvernance au sein des cellules de coordination opérationnelle.
Il y a une vraie prise de conscience politique, du président, du ministre et du Premier ministre pour endiguer ce fléau. Les ZSP vont permettre de traiter les problèmes plus globalement via certes une présence importante d'effectifs de police, mais aussi de périodicité de réunion de concertation grâce à la mise en place de la nouvelle gouvernance.
AEF Sécurité globale : Quelle va être la place de la région dans ce dispositif ?
Abdelhak Kachouri : À ce stade, la région n'a pas de place spécifique dans le dispositif. Mais, le partenariat qu'elle a mis en œuvre depuis 1999 avec l'Etat sur les problématiques de sécurité et de justice font d'elle un partenaire francilien essentiel. Au mois de février dernier, nous avons renouvelé, suite à une série d'auditions et d'évaluation du précédent dispositif, la politique régionale en matière de médiation, de prévention et de protection notamment des publics dits « fragiles ».
De nouveaux dispositifs ont ainsi été mis rapidement en place, positionnant la région comme un partenaire des services de l'Etat.
De plus, toujours dans cet esprit favorisant une démarche d'ensemble des politiques de sécurité, la région Ile-de-France est la seule à avoir signé une convention avec le ministère de l'Intérieur afin de construire ou réhabiliter des commissariats ou gendarmeries.
Pour une meilleure coordination de nos actions respectives, et renforcer cette nouvelle approche globale en matière de sécurité, notamment dans les ZSP, nous devons rencontrer prochainement le ministère de l'Intérieur.
AEF Sécurité globale : La région va-t-elle s'impliquer dans le choix des prochaines ZSP ?
Abdelhak Kachouri : C'est l'un des points à l'ordre du jour de notre réunion de travail avec le ministre de l'Intérieur. A cette occasion, nous ferons savoir que nous sommes disposés à discuter sur le choix des futurs ZSP et sur d'autres sujets brûlants, comme celui de la lutte contre les addictions des jeunes aux drogues dites « douces ». Ce sera aussi l'occasion pour nous d'évoquer la prochaine installation du premier Observatoire régional des violences faîtes aux femmes qui permettra une meilleure prise en charge des femmes victimes et de leurs enfants, notamment au sein des commissariats et cela toujours dans cette volonté de travail partenarial.
Dans ce cadre-là, nous avons des choses à dire, en tant que première région de France. Nous sommes un partenaire fidèle de l'État et nous devons agir conjointement sans pour autant nous substituer aux prérogatives régaliennes.
A cet effet, dans cette période de bilan « des 100 jours », je ne peux que constater la réussite de l'action gouvernementale en matière de sécurité.
Le gouvernement travaille pour restaurer la confiance entre la police, la gendarmerie et la population. Il faut transformer l'essai et nous sommes disposés à agir pour que ce dispositif fasse rapidement ses preuves.